What history were you told?

Quelle histoire vous a-t-on enseignée?

24 June 2021

Afua Cooper est l’un des rares universitaires Afro-Canadiens à avoir documenté l’esclavage des Afro-descendants au Canada. Cooper atteste que l’esclavage a bel et bien eu lieu au Canada, mais qu’il s’agit d’un sujet relativement peu connu. Au cours de l’asservissement des Africains au Canada, qui remonte au milieu des années 1700, plusieurs d’entre eux sont morts en raison du climat social difficile qui prévalait à l’époque de la colonisation au Canada. (Cooper, 2007)

L’idée que l’esclavage n’a pas existé au Canada tente d’effacer les réalités historiques brutales et horribles auxquelles plusieurs Afro-canadiens (hommes et femmes) ont fait face. Dans le African Canadian Legal Odyssey (un recueil d’essais qui traite de l’odyssée juridique des Afro-Canadiens), l’universitaire Afro-Canadien Barrington Walker (2012) mentionne (tout comme Cooper) que l’esclavage des Afro-descendants au Canada est bien réel et qu’il a été motivé par la politique même qui a façonné le Canada à l’image du colon européen

blanc. L’esclavage a bel et bien sévi au Canada. Pourtant, plusieurs personnes ignorent le processus derrière l’esclavage et son impact social sur les Afro-descendants. Par exemple : selon Matthew McRae (2020), les esclaves d’origine africaine sont arrivés dans l’État-nation canadien pour remplacer les autochtones, qui ont été les premiers à être réduits à esclavage sous le joug des colons blancs européens. Bien qu’aux États-Unis, les conditions d’esclavage imposées aux Noirs étaient différentes (entre autres en forçant les esclaves à se reproduire pour asservir à leur tour les jeunes enfants noirs), le Canada a tout de même imposé ses propres règles pour maltraiter les esclaves d’origine africaine. Dépouillés de leurs droits de la personne, ils étaient convoités par les propriétaires d’esclaves. (McRae, 2020)

L’asservissement des personnes d’origine africaine au Canada a été motivé par la politique et l’expansion des marchés européens. Walker soutient que « l’histoire sociale des Noirs canadiens est une conséquence de son époque, celle de l’empire européen et de l’esclavage, où les questions relatives au statut juridique et à la citoyenneté des Noirs, à la nature et à la qualité de leur liberté, jusqu’à leur humanité même, étaient souvent liées à des questions de droit ». [Traduction libre] (Barrington Walker 2012, p. 3). Comme aux États-Unis, les personnes d’origine africaine au Canada appartenaient à l’État durant le règne de l’esclavage. Au Canada, l’identité des Noirs a été définie par les pouvoirs politiques coloniaux de manière à les opprimer et à les déposséder de leur existence. Walker affirme que « la loi a joué un rôle central pour définir la vie des Noirs canadiens à l’époque de l’esclavage et même après l’esclavage ». [Traduction libre] (Barrington Walker 2012, p. 3). L’affirmation de Walker met en lumière le fait que la vie des personnes de descendance africaine appartenait à l’État-nation canadien, mais aussi que leur corps n’avait, au sens légal, aucune autonomie. La réalité historique des esclaves Afro-descendants au Canada se présentait comme suit : « l’esclavage était soutenu légalement de deux manières : par le droit positif et, plus passivement, par la reconnaissance que l’utilisation d’esclaves faisait partie des us et coutumes ». [Traduction libre] (Barrington Walker 2012, p. 3). La raison d’être de l’asservissement des Noirs au Canada et dans le reste du monde était d’étendre la conquête européenne afin qu’elle puisse élargir ses marchés. Selon John Henrik Clarke, « les Européens ont cherché à s’enrichir au-delà de leur propre territoire géographique. Ils cherchaient de nouveaux marchés, de nouveaux matériaux, une nouvelle main-d’œuvre et de nouvelles terres à exploiter. La traite des esclaves africains a été créée pour faciliter cette expansion ». [Traduction libre] (Clarke, 1992, p. 58). Même dans l’État-nation canadien, les personnes d’origine africaine ont été utilisées pour cimenter une certaine vision du monde : celle des Européens blancs. Par conséquent, le servage (une forme de main-d’œuvre gratuite sous contrat) des Afro-descendants a facilité la vaste expansion européenne.

Il paraissait mieux de dire que les personnes qui formaient la main-d’œuvre gratuite étaient des domestiques plutôt que des esclaves. Les Africains ont été des esclaves à la somme des colons canadiens blancs. Ils servaient pour ainsi dire de main-d’œuvre gratuite. Les loyalistes canadiens blancs, de leur côté, les définissaient plutôt comme des serviteurs ou des domestiques. Ce faisant, il devenait difficile de dégager les termes du contrat entre les propriétaires d’esclaves et leurs « serviteurs ». Par exemple, les propriétaires d’esclaves canadiens « désignaient leurs esclaves en tant que serviteurs. Sans aucun élément de preuve (comme un testament ou un avis de fugue), il devenait presque impossible de certifier qu’ils étaient réellement des esclaves ». [Traduction libre] (Whitfield, 2007, p. 1983). Les colons veulent contrôler les « colonisés ». Ce faisant, ils contrôlent également le mode de vie des esclaves. La confusion règne. Des contrats entre maîtres et esclaves sont alors « paraphés ». En plus de garantir de la main-d’œuvre gratuite, ces contrats servaient à contrôler et à définir l’esclave africain. En vertu d’un contrat de servitude, les esclaves d’origine africaine ont signé et accepté sans le savoir un accord qui les exploitait pendant de nombreuses années pour effectuer un travail sans rémunération aucune. En échange, on leur fournissait le transport, la nourriture et le logement. (McRae, 2020) « Même s’il existait une certaine reconnaissance des échanges entre les maîtres et leurs esclaves africains, on était loin de l’équité et aucune compensation en argent ne leur était accordée pour leur labeur. Dans les faits, la servitude sous contrat était dure et abusive et elle définissait l’esclave africain comme un bien, comme la propriété de son maître. Suivant cette funeste logique, les enfants d’esclaves devenaient eux aussi des biens, garantissant ainsi un esclavage intergénérationnel ». [Traduction libre] (McRae, 2020).

Ouvrages cités

Clarke, J. H. (1992). Christopher Columbus and the Afrikan holocaust: Slavery and the rise of      European capitalism. Brooklyn : A & B Books.

Cooper, A. (2007). The hanging of Angelique: The untold story of Canadian slavery and the       burning of Old Montreal. University of Georgia Press.

McRae, M. (n.d.). The story of slavery in Canadian history. Consulté le 14 mai 2020 au       https://humanrights.ca/story/the-story-of-slavery-in-canadian-history

Walker, B. (2012). Introduction : From a property right to citizenship rights-The African      Canadian legal odyssey.Walker, B. (Ed.). The African Canadian Legal Odyssey:     Historical Essays. University of Toronto Press.

Whitfield, H. A. (2007). Black Loyalists and Black Slaves in Maritime Canada. History      Compass5(6), 1980-1997.

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